Le SNAMSPEN/Sgen-CFDT est en accord avec le rapport de la Cour des comptes (27 mai 2020) sur les médecins et les personnels de santé scolaire quant aux constats des dysfonctionnements contre lesquels notre syndicat s’est toujours battu. Mais certaines propositions souffrent d'un défaut d'éclairage.
Rapport de la Cour des comptes sur la santé scolaire : des constats partagés…
Depuis 2016, le SNAMSPEN a rejoint le Sgen-CFDT pour travailler au développement d’un pôle syndical santé-social fort (infirmier, assistant du travail social, médecin).
Il nous est apparu indispensable de lutter contre un corporatisme nuisible et encouragé par notre administration à travers le décret du 3 novembre 2015. Ce décret avait été dénoncé par les syndicats SNAMSPEN et Sgen-CFDT.
Nous partageons donc les constats de la Cour des comptes qui a fait un travail exhaustif remarquable mais pas toutes les solutions !
Nous approuvons bien sûr la création d’un service de santé scolaire depuis très longtemps demandé par le SNAMSPEN/Sgen-CFDT, parce que lui seul serait garant des collaborations interprofessionnelles indispensables et d’une éthique partagée, comme en PMI ou dans les CMP. Nous partageons l’indispensable pilotage national plutôt qu’un pilotage soumis aux collectivités.
Nous approuvons le développement des CESC de bassin de vie, plutôt que les CESC d’établissements qui ignorent le passé et l’avenir scolaire de l’enfant en matière d’éducation à la santé.
Ils permettront de décliner avec cohérence et concertation, des actions de promotions de la santé de la maternelle au lycée et suivant des besoins de santé diagnostiqués prenant en compte les milieux de vie. Dans ce cadre, l’intégration des personnels de santé scolaire (médecins et infirmiers) dans les contrats locaux de santé (CLS) est une proposition que nous avons défendue.
Nous sommes soulagés de constater que la Cour des comptes défend l’importance d’un vrai service de santé scolaire avec des personnels revalorisés aussi bien dans leur fonction que dans leur salaire.
En revanche, certaines propositions faites au mieux par la Cour des comptes pour améliorer et « rentabiliser » la santé scolaire souffrent assurément d’un défaut d’éclairage…
…mais certaines propositions souffrent d’un défaut d’éclairage
Revaloriser les salaires des médecins en agissant sur la fin de carrière
Le recrutement des médecins ne s’effectue pas malgré des crédits et des postes disponibles comme il est révélé. Il s’agit donc bien d’une carence des académies pour mener à bien une politique volontariste de recrutement, carence que nous avons dénoncée à plusieurs reprises.
Créer un nouveau service de santé scolaire académique départemental
Le constat est fait de corporatismes professionnels puissants, et ajoutons, une revendication d’autonomie des syndicats majoritaires des infirmiers avec une volonté d’absence de lien fonctionnel avec les médecins.
- Les médecins de l’éducation nationale sont déjà sous la hiérarchie de cet inspecteur. Cela a conduit à ne garder que les seules missions réglementaires de ces agents, au détriment de toutes les autres missions de Promotion de la santé en faveur des élèves.
Des expertises médicales ont dû être abandonnées notamment pour les élèves en difficultés ou pour des situations nécessitant de réévaluer les adaptations pédagogiques ou les prises en charge dans le cadre de handicap évolutif. Est-ce cela l’école inclusive ?
Cet inspecteur de l’éducation nationale, non formé au management et au fonctionnement de ce que devrait être un service de santé, aura à gérer pour certains les dissensions des personnels de santé contraints de travailler ensemble et autrement. Il n’y aura donc aucune garantie quant à l’établissement réels des liens fonctionnels des professionnels de santé au plus près des usagers.
- Le SNAMSPEN/Sgen-CFDT demande à ce que ce service de santé scolaire soit doté d’une charte de fonctionnement validée par le ministère de la santé, comme tout organisme médicosocial et inscrit dans le code de santé publique.
Renforcer les partenariats entre institutions et acteurs
Les partenariats sont jugés et sont insuffisants entre personnels de santé scolaire et acteurs extra-institutionnels. Pourtant, dans les annexes de ce rapport, sont recensées de multiples conventions de partenariat entre les ARS et les académies, dont la déclinaison sur les territoires apparait inexistante en dehors des zones REP et REP+, alors que ¾ des élèves en difficultés scolaires sont en dehors de ces territoires.
- Comment penser que cela puisse changer en ne donnant aucune structure et organisation propre et lisible à ce service de santé scolaire et en ne laissant que les seuls représentants académiques comme interlocuteurs repérables ?
- Le SNAMSPEN/Sgen-CFDT, avec l’autre syndicat majoritaire des médecins a défendu l’activité de santé publique des médecins de l’éducation nationale en faveur des populations scolaires.
La crise sanitaire du COVID-19 a montré que nous n’étions absolument pas reconnus en tant que tel. Au plus près des bassins de vie, les IEN, les directeurs et chefs d’établissement restent les chefs d’orchestre face aux enjeux sanitaires. Ils utilisent, ou non, les personnels médicaux, gérant seuls parfois les situations ; au sommet, les liens hiérarchiques entre ARS et académies se sont révélés encore plus complexes.
Sur les bassins de vie, les personnels médicaux ont œuvré suivant leur seule conscience. Nous avons attendu plus de 2 mois, en vain, pour savoir quel était notre rôle au sein de l’institution voire trouver une place qui n’existe pas à l’extérieur, alors qu’aucune spécialité d’exercice ne nous est reconnue.
Un « Conseil de santé scolaire » et un bilan annuel
On ne peut imaginer que cela serait la seule traduction d’une interministérialité officialisée, laissant la tutelle, dans les faits, à la seule éducation nationale !
- Il s’agit bien là d’apporter la preuve de l’efficacité de la santé scolaire tant on semble ne pas comprendre, voire douter, de ce que ces acteurs font, faute d’organisation lisible des personnels. Les actes et expertises médicales réévaluant l’impact des maladies, troubles et handicaps évolutifs, que les médecins réalisent tout au long de l’année, dans le cadre de l’école inclusive, soucieux d’assurer une trajectoire scolaire épanouissante et adaptée, ne sont pas lisibles et recensés au titre de l’activité médicale.
- Il ne s’agit pas là non plus, avec ce seul Conseil de santé scolaire, d’un vrai pilotage, encore moins d’une tutelle par le ministère de la santé, que nous jugeons indispensables à l’issue des constats accumulés durant toutes ces dernières années, malgré toutes les alertes faites y compris celles de la Cour des comptes en 2011.
- Acteurs de l’ombre, la seule activité de la médecine scolaire comptabilisée par notre ministère est le nombre de bilans de 6 ans effectués.
Le rapport Ringard en 2002 mettant en lumière l’existence de troubles des apprentissages chez les « mauvais élèves » et la loi de 2005 sur le handicap mobilisent pourtant pleinement les médecins scolaires aujourd’hui de façon chronophage.
Tout porte à croire que l’expertise médicale des médecins scolaires dans le cadre de l’école inclusive est volontairement ignorée.
- Mais la Cour des comptes oublie de préciser que les chiffres demandés par le ministère n’ont jamais ni cherché ni permis de mettre en évidence tout le travail effectué par les médecins scolaires ! Il n’y a jamais eu, depuis tout temps et malgré l’impact de l’école inclusive depuis 2005, d’autres indicateurs que le bilan de 6 ans (LOLF) pour reconnaitre l’activité médicale. D’autres indicateurs ont été proposés à maintes reprises par le SNAMSPEN/Sgen-CFDT au ministère afin de prendre en compte la réalité du travail effectué par ces personnels.
- Les données chiffrées sur la santé des élèves ont été dénoncées par les syndicats : demandées à postériori de l’année scolaire écoulée, sans méthodologie de recueil, ni outil informatique utilisable par chacun, ces données chiffrées, étaient manifestement erronées mais étaient pourtant diffusées depuis des années et encore à ce jour comme des valeurs probantes. N’est-il pas de notre responsabilité, en tant que médecin de santé publique, de refuser de cautionner des données fausses et de réclamer les conditions nécessaires à ce recueil de données ?
- A marche forcée, l’administration a mis en place ESCULAPE, un logiciel dont le serveur est académique. Il permet aux médecins conseillers techniques départementaux (parfois à plusieurs médecins) d’accéder à l’activité médicale, aux données et documents médicaux déposés dans le logiciel par chaque médecin. Il n’y pas d’autorisation des familles pour cela ni statut de « service de santé scolaire » qui permettrait un tel fonctionnement. Il est possible désormais, pour les médecins conseillers techniques d’extraire à titre statistique et directement, des données médicales (parcellaires), qui n’ont bénéficié pourtant d’aucune indication méthodologique pour leur saisie.
Cet outil à visée uniquement statistique et collecteurs de données médicales n’a pas fait l’objet de discussions avec les représentants des personnels. Ceux-ci n’ont pas eu à donner leur avis sur l’ergonomie de l’outil ni sur le fait qu’il ne permettait pas d’être en lien avec les infirmières, la PMI ou avec le DMP.
Les médecins scolaires doivent de plus, faire un double travail en créant, en parallèle, un autre outil (papier ou numérique) pour saisir les notes personnelles comme l’exige le code de déontologie médicale.
Qu’importe finalement les conditions de travail et le respect de la déontologie des personnels de santé, du moment que l’administration peut extraire des données de santé pour le big-data !
L’enjeu de ce big-data rend caduque tout autre considération d’ergonomie, d’éthique, voire de temps perdu consacré au travail administratif plutôt qu’à l’expertise médicale. Il justifie aussi à lui seul, la création administrative (si ce n’est réel) d’un service de santé scolaire pour manier et accéder aux données de santé des élèves dans un cadre enfin réglementaire et adéquat.
Bilans de santé : mission prioritaire
Nos instances politiques (ministères de l‘éducation nationale et de la santé) ont préféré, plutôt que de sauver la médecine scolaire en la restructurant, déposséder les médecins et les infirmiers scolaires de ce bilan des 6 ans, pour le mettre à la charge des médecins traitants et sous-traiter ponctuellement les visites des travaux réglementés en lycée professionnel….
- Le SNAMSPEN/Sgen-CFDT est bien sûr en accord avec la priorisation des bilans de 6 ans.
Mais revendique le temps médical indispensable à consacrer à la suite pour réévaluer régulièrement les difficultés, les troubles, le diagnostic et les prises en charge, avec l’évolution du développement de l’enfant ! Faut-il attendre la visite réglementaire des 12 ans (quand l’avis médical est demandé) pour constater le défaut de trajectoire d’un enfant aux prises en charge inadaptées ? Faut-il attendre la visite médicale des travaux réglementés en lycée professionnel, pour faire le constat des troubles bien installés et qui n’ont pu bénéficier d’un suivi permettant de poser un diagnostic sur un échec scolaire ?
Sont-ils nombreux à l’extérieur de l’école, les médecins formés au développement des acquisitions scolaires si ce n’est au développement cognitif, en capacité d’assurer un suivi régulier avec la communauté éducative lors des réunions de concertation indispensables, afin que les enfants ne perdent pas de chance pour réussir à l’école ?
- Avoir pour seul objectif la réalisation systématique des bilans sans avoir en même temps la volonté d’assurer l’accès aux soins, et le suivi indispensable par un médecin formé aux troubles de la scolarité, (le médecin scolaire en premier lieu), relèverait d’une seule logique comptable, très éloignée finalement des objectifs de santé publique en faveur de la réussite de chaque élève, sauf à n’être intéressé, toujours, que par l’unique recueil des données de santé de l’enfant ?
- Le SNAMSPEN/Sgen-CFDT lors de pressions hiérarchiques quant au rendement visant les bilans de 6 ans, au détriment de tout autre mission, a fait valoir le code de déontologie : les médecins salariés ne peuvent être soumis à un rendement chiffré de leurs actes.
Ce nouveau service de santé scolaire va-t-il vivre ce que d’autres services médicosociaux vivent actuellement : des contrats d’objectifs « incitatifs » permettant de débloquer ou non les budgets de fonctionnement. N’est-ce pas finalement la contrainte d’un rendement indispensable pour survivre ?
Les politiques doivent savoir ce qu’ils attendent de la santé scolaire…
Il s’agit finalement de savoir ce que veulent les politiques pour imaginer réanimer la santé scolaire.
Assurer le rendement de tâches réglementaires (bilans obligatoires) et méconnaitre les autres besoins ? Ou faire en sorte que l’école soit bien un lieu qui concoure, par l’expertise qu’on lui confère avec des personnels experts et coordonnés, à la réussite et au bien-être de tous, de la maternelle au lycée ? L’objectif en serait bien d’éviter l’échec scolaire, les handicaps surajoutés, les troubles psychiques en assurant pour cela des diagnostics précoces et un suivi adapté.
Et dans ce second choix, celui qui nous convient, l’école doit-elle réorganiser en profondeur le fonctionnement de tous ses professionnels et trouver des locaux inexistants ? Ou faut-il plus simplement utiliser et renforcer des services de santé déjà existants d’une nouvelle spécificité pour la santé des élèves (comme les CMP, les services hospitaliers de pédiatrie… par exemple), bénéficiant de locaux, d’organisation d’équipes pluridisciplinaires fonctionnelles adéquats, afin de se déployer au mieux et lisiblement sur l’école, comme la PMI le fait ?
Sans modification significative du pilotage, sans réorganisation en profondeur, l’efficience et la survie de la médecine scolaire et la cohérence des actions restera impossible…
Dans le premier cas où le rendement compte plus que tout, avec le souci de la quantité plus que de la qualité puisqu’on ne s’inquiète pas de la suite de ces bilans, il suffirait de continuer et d’intensifier l’externalisation en sous-traitant ces tâches avec des intervenants médicaux extérieurs, voire paramédicaux.
Dans la seconde hypothèse, si la santé scolaire reste sous la tutelle de l’éducation nationale, le SNAMSPEN/Sgen-CFDT peine à croire à un second souffle possible, mais plutôt au dernier souffle !
Sans modification significative du pilotage par une tutelle dont la priorité réelle est la santé et son épanouissement, sans réorganisation en profondeur pour donner une place à chaque acteur sans ambiguïté, l’efficience et la survie de la médecine scolaire et la cohérence des actions en faveur de la santé des élèves restera impossible !
Les priorités du SNAMSPEN/Sgen-CFDT
Un vrai service de santé scolaire…
Le SNAMSPEN/Sgen-CFDT continuera donc à défendre la nécessité d’un vrai service de santé scolaire, articulant le dedans et le dehors de l’école quant aux besoins de santé de l’enfant et de l’adolescent :
- reconnu et inscrit au code de la santé publique, avec une charte de fonctionnement validée par le ministère de la santé, avec des lieux de consultations conformes à l’exercice de la médecine,
- rassemblant des personnels experts du milieu scolaire, de santé, psychologues, assistants du travail social, pourquoi pas des rééducateurs dont l’expertise serait précieuse,
- aux expertises professionnels définies pour permettre une mobilisation adaptée des compétences et une complémentarité efficiente aux services des familles et des écoles,
- avec des statuts professionnels rénovés afin que l’expertise spécifique et l’attractivité soient reconnues dans le champs sanitaire,
- avec un pilotage et une coordination médicalisée. Comme dans tout service de santé aux coopérations pluri professionnelles indispensables, cela ne traduit pas la volonté d’imposer une hiérarchie de statut ou de profession, mais de liens fonctionnels professionnels avec la volonté affirmée que tout projet thérapeutique soit élaboré à l’issue d’un diagnostic médical et d’avis partagés.
…pour lutter contre les inégalités d’accès à la santé et aux savoirs
Face aux inégalités d’accès à la santé et aux savoirs sur tous nos territoires, Il y a une véritable urgence sanitaire à recréer un service de santé scolaire aux missions régaliennes pleinement dédiées à la santé des élèves.
Avec l’épidémie COVID 19, nous avons constaté que la santé scolaire apparaissait inorganisée, encore aujourd’hui, et démunie devant les menaces sanitaires.
Les suites de la crise sanitaire vont avoir moult retentissements sur la réussite scolaire des élèves qu’il faudra savoir attribuer aux lacunes, carences, troubles des apprentissages, troubles psychiques et de socialisation.
L’école qui forme aux savoirs et à la citoyenneté a un besoin urgent d’être épaulée de façon coordonnée pour assurer réellement la promotion de la santé de l’enfant et de l’adolescent dans son milieu vie. On parle bien ici de santé physique, psychique, d’adaptation au milieu scolaire et du milieu scolaire adapté aux élèves, au-delà de la part éducative aléatoire, de l’écoute du mal-être, et de soins d’urgence au sein des établissements.
Le pilotage de la santé en faveur des élèves ne peut plus supporter d’être ni sacrifié, ni relayé au second plan, ni éclaté sur autant de professionnels, sans lien véritable, sans que jamais ne soit fait la synthèse de ces expertises dans un souci d’efficience et d’économie profitable à l’enfant et à sa famille et à la société.
Pour le bureau national
Docteur Patricia Colson
SG SNAMSPEN/Sgen-CFDT