Le 39éme colloque médical du SNAMSPEN/Sgen-CFDT a eu lieu en novembre 2018 à Paris, abordant la « Parentalité d’aujourd’hui : des parentalités différentes ? »
La place des parents à l’École est un sujet de réflexion évoluant en permanence, ne serait-ce que parce qu’elle est liée aux évolutions mêmes de la société.
Chercheurs, sociologues, juristes et professionnels de santé ont ainsi présenté et analysé l’évolution de la parentalité, enjeu fondamental de la réussite du parcours de l’élève, mais aussi enjeu de santé publique.
La secrétaire générale du SNAMSPEN/Sgen-CFDT, Patricia COLSON, a fait l’ouverture de ces deux jours de réflexions devants 130 professionnels médecins, psychologues, assistantes sociales de l’Éducation nationale, venus confronter leurs expertises et approches à celles des intervenants. Le programme de ce 39ème colloque a été riche de débat et nourri par des intervenants venus de tout horizon.
Que dit la recherche sur la parentalité ?
Les chercheurs et sociologues ont présenté le panorama des familles en 2018. Claude MARTIN, sociologue et directeur de la chaire CNAF-EHESP a introduit ce colloque en nous faisant une rétrospective sur l’évolution des familles, qui finalement n’ont fait que s’adapter à une société nouvelle dont les aspirations ont évolué.
Les deux chercheuses du CNRS et du CNAM, Fabienne BERTON et Barbara RIST nous ont exposé le ressenti des parents face aux institutions, en lien avec l’étude Elfe. Il s’agissait d’analyser qualitativement les informations recueillies auprès de familles choisies pour l’étude. Certains ont vivement réagit sur le choix de l’échantillonnage. Il a fallu replacer les données exposées dans le contexte d’une démarche de recherche qui visait à éclairer les familles les plus en retrait.
La pauvreté, un impact sur la parentalité …
L’intervention de Dominique DESTOUCHES, du réseau école ATD Quart Monde nous a permis de comprendre comment la grande pauvreté réduisait au silence : les enfants se taisent ou inventent pour cacher leur détresse. La co-éducation, imposée aux parents devrait aussi former l’école à savoir construire avec les parents quel qu’ils soient, à leur reconnaître des compétences en les accueillant mieux au sein des établissements. 72% des élèves orientés en SEGPA sont issus de familles défavorisées…
Devoirs des parents et droits des enfants, que dit la loi ?
Les notions juridiques quant à la famille ont été précisées tout d’abord avec Maître SAFAR-GAUTHIER, avocat au barreau de Paris, spécialisé dans le droit des mineurs et des familles. Cette avocate nous a développé les notions de parentalité, d’autorité parentale, du droit des enfants par rapport à ses parents séparés, à un tiers qui partage la vie de famille un temps, et le rôle du juge des enfants dont il faut savoir avoir recours.
Maître SULLI, également avocate au barreau de Paris, spécialisée dans le droit des mineurs, des familles et droit des étrangers, nous a plus particulièrement formé sur le droit des mineurs isolés ou sans papiers. L’évaluation de la minorité et notamment de l’expertise de l’âge osseux a fait débat.
L’école, les parents et l’enfant : quel est le rôle de chacun dans ce que l’on constate à l’école ?
Nicole CATHELINE, pédopsychiatre renommée au CHU de Poitiers, présidente du conseil scientifique de la société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, a resitué la place de la pédopsychiatrie quand celle-ci est appelée en renfort dans les écoles. L’école est un lieu de souffrance dont les trois causes sont les difficultés ou troubles des apprentissages, les difficultés de socialisation, et le harcèlement. L’école cherche à travers les neurosciences à expliquer les difficultés scolaires en minimisant l’affectif. Les difficultés de socialisation quant à elles semblent majorées par la société qui sur-stimulent les enfants en dehors de l’école. Comment les enfants peuvent ils supporter le cadre de l’école, qui lui n’a pas évolué ? Les élèves sont par ailleurs dans la course aux diplômes plutôt qu’inviter à développer le plaisir d’apprendre. Dans « les nouvelles formes de souffrances à l’école : qu’est ce que la pédopsychiatrie peut encore en dire ? ». La pédopsychiatre remarque : la bienveillance à l’école est une mesure à appliquer avant de rechercher les soins extérieurs ou de remettre en cause les parents. Les adultes de l’école sont un modèle pour les élèves. Le Dr Catheline a beaucoup insisté, dans sa communication, sur la phobie scolaire, et le rôle du harcèlement dans celle-ci. La phobie scolaire est en augmentation depuis 2000, mais il s’agit depuis 2010 d’une explosion. Les intervenants précédents nous auront aussi fait comprendre que la souffrance à l’école pouvait naitre des situations de grande pauvreté cachée ou des problématiques ignorées des mineurs non accompagnés, ou isolés ou tout simplement naitre de culture incomprise ou non acceptée.
C’est l’intervention du Dr Issam IDRIS qui aura sans doute été la plus remarquée : « Faire grandir ses enfants ici et ailleurs ou le destin de l’inestimable objet de transmission en situation transculturelle », telle était le titre de l’intervention de ce psycho-anthropologue œuvrant au côté du Pr Moro à la clinique transculturelle du CHU d’Avicenne. Cet intervenant chargé de cours à l’université de Paris-V a su avec humour nous faire comprendre l’importance de la culture d’origine, des racines familiales encore ancrées dans les pays lointains, de l’importance de les prendre en considération pour faire grandir les enfants déracinés, pour accompagner les parents qui n’ont pas les mêmes codes pour l’éducation, la santé, les relations avec l’institution et le savoir. Il a insisté sur les mots et le sens que chacun y mettait derrière, ou voire même sur des mots qui n’avait pas de traduction dans la langue d’origine, amenant alors incompréhension et blocage de communication. Ces cultures différentes, souvent incomprises ont été abordées avec leur impact sur les relations des familles avec l’école. Il ne serait pourtant pas si difficile de prendre en compte et de respecter la culture de l’autre, même si on ne la comprend pas, pour mieux faire grandir l’enfant au sein de l’école.
Le Docteur Serge HEFEZ, psychiatre à l’hôpital Pitié Salpêtrière, viendra conforter l’importance des racines et de la connaissance de l’histoire familiale pour se construire. Il note l’impact nocif du secret. A cette « famille verticale » dont l’histoire est immuable, il ajoute la « famille horizontale » celle construite avec les relations affectives développées au quotidien autour de l’enfant, qui définissent son groupe d’appartenance, ici et maintenant. Famille monoparentale, homoparentale, reconstruite, c’est la lisibilité et la qualité des relations affectives plus que toutes normes sociétales qui construisent l’enfant, l’adolescent, et l’adulte. Ce n’est plus le mariage qui est l’organisateur de la famille, mais bien l’enfant qui devient le centre de la famille et autour duquel s’organisent les adultes.
Face à la difficulté d’être parents, l’École des parents pour des pratiques parentales positives ?
Avec le Docteur Jeanne MEYER, médecin de santé publique, qui s’est spécialisée dans la médecine de l’adolescent, Présidente de l’IREPS du Grand Est, nous avons eu la présentation des expérimentations en cours sur les « Pratiques Parentales Positives », dispositif organisé pour aider les parents à retrouver cadre et autorité. La notion de co -éducation imposée par l’école a été analysée. Les parents semblent si perdus que des programmes parfois lucratifs ont été mis en place pour réapprendre aux parents à construire le cadre nécessaire aux enfants. Ces programmes de soutien à la parentalité sont déjà développés aux USA, au Canada. Faut-il en arriver là ?
Jeanne MEYER était accompagnée de Gilles THOMAS, éducateur, médiateur familial, qui nous a fait part des actions possibles dans le cadre de l’éducation populaire pour conforter l’autorité parentale et agir en soutien auprès des parents.
Face aux écrans dès leur naissance : les bonnes pratiques pour résister à l’impact nocif…
Le Docteur Serge TISSERON, psychiatre et chercheur, spécialiste de la question des écrans chez les jeunes nous a permis de mettre à jour nos connaissances sur l’usage et le mésusage des écrans chez des enfants et adolescents. L’usage des écrans et les bonnes conduites suivant 3,6,9,12 ans ont été rappelées. C’est souvent faute d’occupation plus attrayante qu’il y a des abus et mésusages d’écrans chez les jeunes sans que l’on puisse parler d’addiction. L’usage développe de nouvelles compétences chez les jeunes mais impactent aussi leur santé (rétine, sédentarité, sommeil).
Dans l’attente d’un grand plan national pour soutenir la parentalité…
C’est Madame Catherine LESTERPT, de la Direction générale de la Cohésion Sociale, sous directrice adjointe de l’enfance et de la famille qui conclura ce colloque en nous présentant le prochain plan sur la parentalité, tant la problématique est majeure et de santé publique, impactant la vie du futur citoyen de demain. Depuis quelques années déjà, Madame Rossignol, relayée par Madame Buzyn, notre ministre de la cohésion sociale et de la Santé, a porté un intérêt particulier à la parentalité sans que n’existe encore à ce jour une vraie politique en faveur de la famille alors qu’un enfant sur 10 vit en famille recomposée, 1 enfant sur 5 sous le seuil de pauvreté et qu’il existe de très importantes inégalités territoriales quand aux moyens d’aide consentis aux familles. Une nouvelle convention avec la CNAF a été signée en 2018, huit groupes de travail sont en cours avec 3 axes : la prévention de la rupture, la santé, et l’école. Il s’agira de répondre à des besoins spécifiques au niveau local à partir d’une stratégie nationale tout en stabilisant la gouvernance. Le rôle de la PMI, tout comme celui des médecins scolaires experts en santé et du milieu éducatif sont bien repérés pour soutenir la parentalité.
Notre prochain colloque, le 40ème colloque de formation médicale du SNAMSPEN/Sgen CFDT, se déroulera les jeudi 12 et vendredi 13 décembre à Paris. Réservez ces dates, nous aurons plaisir à vous retrouver et à fêter cet évènement !