La loi sur l’école de la confiance a modifié l’examen médical obligatoire avec la présence des parents en le situant avant 6 ans, et donc plus précocement à 3-4 ans, puisque l’instruction est devenue obligatoire à 3 ans.
Cet examen médical des 3-4 ans reste dans le champ de compétence de la PMI, mais il a été dit, dans cette loi de l’École de la confiance, qu’en cas d’absence de la PMI, il reviendrait aux médecins scolaires d’assurer cette visite médicale. Nous ne sommes pas aussi bien formés aux spécificités du jeune enfant de 3 ans, et n’avons ni le matériel, ni l’expertise des médecins de protection maternelle et infantile (PMI). Ce champ de compétence revient bien à la PMI qui ne souhaite d’ailleurs pas le céder.
Dans les faits, les médecins scolaires (quand ils existent sur les territoires) fonctionnent déjà en faisant en sorte que tous les élèves avant l’entrée au CP puissent bénéficier d’une visite médicale (dite ciblée) dès lors qu’ils n’ont pas fait l’objet d’un bilan par les services de PMI, ou ont des difficultés repérées par le service de PMI, les enseignants, ou les parents.
il est impossible de faire mieux, et d’envisager de faire plus
Devant la pénurie de médecins scolaires au sein de l’Éducation nationale et depuis que les infirmier·es ne réalisent plus le bilan infirmier des 6 ans sous couvert de la circulaire de novembre 2015 du ministère de l’EN entérinant la scission entre personnels médicaux et infirmiers, il est impossible de faire mieux, et d’envisager de faire plus : des bilans de 6 ans ciblés pour répondre à des inquiétudes existantes. Nous sommes très loin déjà de la prévention systématique qui permettrait de révéler des situations d’élèves à suivre pour prévenir ce qui fera le lit de l’échec scolaire ou des difficultés familiales en lien avec la réussite scolaire.
Le bilan médical de 6 ans reste le passeport pour l’entrée dans les apprentissages scolaires académiques et pour la protection de l’enfant (notamment en veillant à l’adaptation des exigences scolaires pour les élèves les plus fragiles et en accompagnant la parentalité dans ce cadre lors de ces consultations). Il vérifie par ailleurs que les prérequis indispensables pour les apprentissages soient bien en place.
mettre en place un système d’informations médicales partagées
Par ailleurs, un article de la loi de l’école de la confiance sur lequel nous avions travaillé, accepté par les députés et sénateurs, a été finalement déclaré par l’État comme anticonstitutionnel : il donnait le droit à remboursement des actes de prévention prescrits par les médecins de l’EN dans le cadre de leurs missions.
Il n’en reste pas moins que le remboursement des familles de nos prescriptions au titre de la prévention dépend du bon vouloir de chaque CPAM et des conventions passées avec l’inspection académique au niveau de chaque département. L’inégalité territoriale est une fois de plus majorée.
Dans un contexte de pénurie médicale générale et de restriction des dépenses de santé, il faut que chaque enfant concerné par des troubles des apprentissages dépistés ou diagnostiqués par le médecin scolaire paye une consultation supplémentaire avec son médecin généraliste (mais tous les enfants n’en ont pas) pour se faire prescrire les séances d’orthophonie, sans plus de valeur médicale ajoutée pour cet acte demandé aux médecins généralistes : il s’agit juste de la délivrance d’une ordonnance !
S’assurer que les élèves bénéficient bien et à temps de leur rééducation, sans rupture de parcours, est bien un acte de prévention de l’échec scolaire qui rentre totalement dans nos missions et notre droit d’exercice. Le SNAMSPEN/Sgen-CFDT ne pense pas que nos confrères généralistes, débordés par d’autres demandes mobilisant leur expertise médicale propre, empêcheraient ces remboursements avec une telle facilitation d’accès aux soins et une réduction de la dépense publique. Ils ne manquent pas de patients ! Charge au gouvernement, pour faciliter la coopération et la coordination médicale, de mettre en place un système d’informations médicales partagées accessibles aux professionnels de santé en charge de l’enfant et ce, dans le respect des droits et des souhaits de leurs responsables légaux.
respecter la déontologie médicale et le droit des familles
Dans ce domaine, notre ministère de l’Éducation nationale a entendu les inquiétudes du SNAMSPEN/Sgen-CFDT concernant le droit des usagers et le respect du secret médical au sujet du logiciel médical ESCULAPE. Une nouvelle page d’accueil pour le médecin utilisateur de ce logiciel précise la nature et l’utilisation des données médicales consignées, la nécessité d’accord pour le transfert des données à d’autres professionnels de santé, le droit ou non de compulser un dossier, les informations à donner aux familles… ceci à travers une charte détaillée à accepter. Il appartient à chaque médecin de s’en imprégner pour respecter la déontologie médicale et le droit des familles.
Le problème de l’ergonomie de cet outil n’est pas réglé. C’est un outil perfectible. Il faut néanmoins que que l’accès à internet soit garanti, que les médecins ou leurs secrétaires soient munis de scanner, et que notre ministère avant toute velléité de statistiques imposées à leurs personnels de santé construise un guide méthodologique de recueil pour chaque donnée de santé à étudier. Nous sommes et resterons des médecins de santé publique. Le SNAMSPEN/Sgen-CFDT rappelle la lettre qu’il a adressée le 27 juin 2019 au directeur de la DGESCO concernant les statistiques demandées pour la rentrée de septembre 2019 .
tour d’horizon de nos effectifs
Enfin il est utile de faire un rapide tour d’horizon sur nos effectifs en ce début d’année scolaire, et un rapide historique de ceux-ci grâce au rapport de la Cour des comptes en 2011 sur la santé scolaire.
En janvier 2011, nous étions en termes d’effectifs de médecins de l’Éducation nationale en activité 1478 : au 1er octobre 2018 nous n’étions plus que 990 (données DGRH 25.1.2019) avec de très grandes disparités géographiques.
Depuis octobre 2018, départs à la retraite, demandes de disponibilité ou de détachement, départs vers d’autres emplois font que ce chiffre est moindre. Ni le concours national de recrutement, ni l’accueil en détachement des quelques médecins venus de la PMI ou des ARS n’ont réussi à combler les 476 postes de médecins de l’éducation nationale déclarés vacants par notre ministère en juin 2019.
Nous ne disposons pas du nombre d’équivalents temps plein travaillés (ETPT) des médecins de l’EN à ce jour. Mais, suivant le rapport de la cour des comptes, il y avait 1658 ETPT en 2006 et 1532 en 2010.
En 2018, le chiffre de 990 médecins rapporté ne mentionne pas les ETPT alors qu’un certain nombre d’emplois à temps partiel existe.
A ce nombre de 990 médecins de l’EN, il faut enlever 97 médecins affectés dans les administrations, conseillers des recteurs ou des IA DASEN, et qui n’œuvrent pas sur les établissements d’enseignement scolaire.
Dans le rapport de 2011, il était déjà prévu que 631 médecins pourraient avoir fait valoir leur droit à la retraite en 2019 soit 42% des effectifs présents en 2010. C’est sans compter les démissions, les détachements et mises en disponibilités pour travailler en dehors de l’éducation nationale tout au long de ces années.
Le recrutement annuel par concours permet de titulariser des médecins déjà employés en tant que contractuels ou vacataires par l’EN pour la grande majorité. Il ne peut endiguer la chute des effectifs et les très nombreux départs à la retraite à venir dans les deux ans. Seul le recrutement volontariste et respectueux de l’expertise de nouveaux médecins contractuels (vivier de futurs titulaires) assurera le renouvellement des médecins au service de l’Éducation nationale, sinon l’extinction du corps est de fait mathématiquement programmée.
Nous sommes donc des experts devenus rares sur le territoire, et dont l’expertise médicale spécifique n’est pas à gâcher par le contrôle d’actes que nos confrères, en dehors de l’EN, sont à même d’assurer. Rappelons-nous que la seule urgence qui réclame notre expertise en tant que médecin scolaire est finalement celle en faveur des enfants maltraités ou des enfants dont on méconnait le trouble les empêchant d’apprendre et dont l’avenir se trouvera immanquablement impacté tant socialement que psychiquement.
Sans plus de médecins scolaires formés pour faire face à des besoins d’expertise au sein de l’école, besoins majorés par la reconnaissance des troubles des apprentissages, l’accueil à l’école ordinaire de tous les enfants ayant des besoins particuliers, malades, handicapés, présentant des troubles de santé physique, psychiques évolutifs, c’est clairement ne pas œuvrer pour les droits de chaque enfant. Le SNAMSPEN avait déjà alerté en 2015 sur cette perte de droit des enfants avec la disparition des médecins dument formés à la médecine scolaire, lors d’un colloque national sur les droits de l’enfant.
une politique globale pluri partenariale
Cependant, le rôle du médecin scolaire semble bien avoir été noté tout dernièrement dans la protection de l’enfance, la prévention de la maltraitance, les diagnostics médicaux à rechercher chez les enfants et adolescents aux comportements bruyants à l’école, si on se réfère à la circulaire du 31 juillet 2019 du ministère de la Santé concernant la mobilisation des personnels lors des violences en milieu scolaire signée par Madame Buzyn, ministre de la Santé et Monsieur Taquet, en charge de la protection de l’enfance.
L’interministérialité entre ministères de la santé et de l’EN, déployé aux plus près des usagers et des acteurs des territoires, comme revendiquée par le SNAMSPEN/Sgen-CFDT , va-t-elle enfin voir le jour ?
Cette circulaire du ministère de la santé sur la violence scolaire est un premier pas pour rappeler l’importance du rôle des médecins de l’Éducation dans une politique globale pluri partenariale de santé en faveur de l’élève, dans et en dehors des établissements d’enseignement scolaire.
Elle permet aussi de rappeler la spécificité des médecins formés à la médecine scolaire et experts de l’enfant, de l’adolescent et de ses difficultés révélées ou générées par le milieu scolaire.
Former tout autre personnel (infirmier, psychologue) à l’expertise du médecin scolaire qui permet de réaliser des diagnostics après la prise en compte et le traitement de toutes les données (médicales, éducatives, sociales) concernant l’élève et son milieu serait un vaste chantier pour l’Éducation nationale.
L’EN veut elle finalement assurer la qualité du service public rendu par les médecins de l’EN ou à défaut embaucher, comme au Québec, des neuropsychologues formés pour les problématiques de l’élève à l’école avec un niveau d’expertise à bac +8 pour les remplacer ? Ou est-il question de faire des économies sans en percevoir finalement les conséquences?
Il suffirait en effet de s’assurer d’un recrutement efficient de médecins scolaires pour mener à bien cette mission de santé publique : les jeunes médecins, de plus en plus attirés par la médecine salariée, n’attendent que des salaires décents et une reconnaissance de leurs missions en rapport avec leur expertise, pour servir l’Éducation nationale et tous les élèves ! Recrutés à l’échelon 9 de la seconde classe, voire au dessus, grâce aux crédits des postes vacants pourtant versés aux rectorats par le ministère, ils ne manquent pas de venir renforcer les rangs des médecins de l’EN dans les départements ou académies qui mettent en œuvre cette politique volontariste. Quant aux médecins de l’EN en place depuis de longues années, ils s’adaptent, sont pleinement conscients de leurs rôles et de leurs missions, et demandent juste que les ministères concernés leur donnent les moyens de travailler correctement conformément aux axes de la nouvelle stratégie nationale de santé en faveur de l’enfance, de la santé mentale, et de la prévention, même si l’heure n’est pas encore à défendre cette dernière aux regards de l’urgence à réorganiser le système de soin et des urgences médicales et à lui redonner du souffle…
A force de ne traiter que les urgences, tout devient urgent !!! Et si on se donnait enfin les moyens pour agir en faveur d’une politique de prévention globale et coordonnée au plus près des élèves et de leurs familles pour éviter autant que possible la maladie, le handicap et l’urgence de demain ?