La réponse du ministère de l’Éducation nationale à la question de Madame Samia Ghali, sénatrice des Bouches du Rhône, sur la pénurie de médecins scolaires (JO du 12/4/2018) ne peut satisfaire le SNAMSPEN/Sgen-CFDT.
Bien sûr, il est fait référence aux avancées (indéniables) du régime indemnitaire depuis 2015 pour les médecins de l’Éducation nationale, mais celui-ci est bien trop inégalitaire suivant les territoires et dépendant d’un classement arbitraire de la part des rectorats dans les groupes de fonctions qui définissent la hauteur des indemnités.
Il est question d’une revalorisation des médecins conseillers techniques (MCT), mais celle-ci n’a jamais été faite pour les médecins des petits départements (MCT du groupe III) qui gagnent parfois quelques euros de plus que les médecins de secteurs : plus de 20 postes sont ainsi laissés vacants sur les départements faute d’attractivité, laissant les départements privés de l’impulsion nécessaire à un vrai service attractif pour les médecins.
Il est vrai que notre administration a enfin tenu parole après les négociations de 2012 demandant un taux de promotions en première classe à 21 %. Maintenu ces trois dernières années à 13%, le taux sera successivement pour les trois prochains tableaux d’avancement de 16, 19, et enfin 21 %. Dès cette année, 66 médecins pourront bénéficier d’un passage en première classe soit 10 de plus qu’en 2017, de quoi redynamiser les carrières.
Une revalorisation qui ne rend pas la médecine scolaire plus attractive…
Notre ministère se félicite d’avoir augmenté (enfin) l’indice de recrutement à 582 (indice majoré) visant à rendre attractif l’emploi d’un médecin qui voudrait découvrir la médecine scolaire. Force est de constater qu’il faut atteindre l’indice 783 pour intéresser les jeunes médecins et être concurrentiel avec les autres emplois salariés. Huit médecins ont été ainsi facilement et rapidement recrutés sur une académie, en mettant un salaire correspondant enfin au niveau de formation et de responsabilité… Cela correspond malheureusement au 9ème échelon de la seconde classe dans le déroulé de toute une carrière de médecin de l’Éducation nationale, pour ce professionnel expert qui aura, après au minimum 9 ans d’études et un doctorat, réussi un concours national et qui aura été formé à l’École des hautes études de santé publique…
Tutorat d’interne : trouvera-t-on des tuteurs ?
Il est aussi question, nous dit notre ministre, d’augmenter le tutorat d’interne, c’est une merveilleuse idée pour faire découvrir notre métier passionnant… tant qu’il y avait suffisamment de médecins scolaires pour assurer cette fonction. Quel tuteur proposer dans les académies sinistrées ? Par ailleurs, la formation au tutorat auparavant prise en charge par le ministère ne semble plus l’être…
Les médecins de l’Éducation nationale sont très fiers de voir leur expertise valorisée et leur spécificité d’exercice suffisamment reconnue pour avoir vu la création d’une formation de spécialité transversale de médecine scolaire, formation au choix, intégrée dans le 3ème cycle des études médicales. Cependant combien de médecins auront accès au choix de cette formation réglementée ?
Notre ministère nous dit que « les postes vacants sont maintenus dans le budget du ministère et des rectorats et sont prêts à être pourvus », mais existe-t-il finalement une véritable politique de recrutement alors qu’il n’y a pas de volonté à aligner les salaires sur ceux qui se pratiquent ailleurs : les centres de santé, les MDPH, les assurances, sans parler de l’hôpital dont les salaires sont plus adaptés à l’expertise ?… Où sont les annonces de recrutement ? Force est de constater que, non utilisés, ces budgets servent d’autres causes jugées plus prioritaires par les académies.
Permettre aux médecins de l’Éducation nationale d’assurer leurs missions dans les mêmes conditions que tout autre médecin de service de santé…
Enfin, notre ministère fait l’annonce de l’utilisation d’un nouveau logiciel, ESCULAPE, pour le suivi médical des élèves. Le SNAMSPEN/Sgen-CFDT a appelé de tous ses vœux ce logiciel pour enfin permettre les études épidémiologiques et le recueil des données pour des études statistiques fiables concernant la santé de 12 millions d’élèves. Mais ce logiciel réclame du matériel : ordinateur, scanner, clé 4G, et l’aide d’une secrétaire médicale pour colliger tous les documents médicaux, les scanner, les rattacher numériquement aux patients… Ni matériel, ni secrétaire médicale (même à temps partiel) ne sont assurés à ce jour pour chaque médecin… Dans ces conditions, le suivi des élèves ne pourra être renseigné puisque seul le médecin y accède, et le travail des médecins sans secrétaire et sans matériel facilitant va être considérablement alourdi. Il est urgent d’assurer les conditions matérielles et humaines propres à permettre aux médecins de l’Éducation nationale d’assurer leurs missions dans les mêmes conditions que tout autre médecin de service de santé.
Politique de santé en faveur des élèves : quelles collaborations entre les acteurs, quelle place pour les médecins de l’Éducation nationale ?
Sans parler de la réalité de toutes ces conditions de travail pour les 1055 médecins titulaires qui restent sur tout le territoire : le ministère dans sa réponse à la pénurie de médecins choisit de détailler sa politique de santé en faveur des élèves, sans jamais mentionner la place ou l’existence du médecin scolaire dans cette politique.
On parle bien de la cohérence nécessaire aux actions de santé (CESC, PES) mais on ne parle pas du rôle attendu du médecin scolaire. Serait-ce ici notre place ? Rien n’est dit …
Le ministère parle des partenariats entre la Santé et l’Éducation nationale, entre ARS et rectorats, mais une fois de plus, on ignore que ce qui se déploie en termes de partenariats dans nos administrations ne se décline pas localement et ne correspond pas aux réalités du terrain.
Ainsi risque de perdurer, sans plus d’impulsion et de volonté politique de cohérence collaborative entre les acteurs, une cacophonie inégale d’actions dites en faveur de la santé.
On souffre d’une absence de lisibilité des rôles et des expertises à mobiliser à l’intérieur de l’École comme à l’extérieur, tout comme d’une définition de « LA » mission spécifique de chaque professionnel, permettant de mobiliser tous les acteurs avec justesse, suivant la ressource spécifique qu’il apporte.
A ne rien vouloir préciser dans les rôles de chacun, il est finalement difficile de se mettre en marche et surtout d’avancer sur un réel parcours de santé pour chaque élève dans un universalisme proportionné !
Monsieur le ministre, quand va-t-on avoir cette feuille de route à même de définir les interventions spécifiques attendues de chaque professionnel en fonction de son expertise dans l’intérêt du bien-être et de la réussite de chaque enfant ?
Monsieur le ministre, quand allez-vous définir les collaborations professionnelles indispensables et les process nécessaires pour permettre à l’Éducation nationale d’assurer les missions ambitieuses que l’État lui confie ?
Le SNAMSPEN/Sgen-CFDT est toujours en attente de cette feuille de route « collaborative », demandée en audience en décembre 2017, qui permettrait de redonner à chacun clairement une place pour atteindre enfin des objectifs prioritaires comme la visite médicale des 6 ans, la bientraitance des enfants et des personnels dans le cadre de l’école inclusive.
C’est en redonnant la place aux diagnostics médicaux précoces assurés par les médecins de l’Éducation nationale, en évitant que les troubles non diagnostiqués entravant la réussite scolaire (source de troubles du comportement) deviennent des handicaps, en explicitant les modalités d’accueil et en défendant les moyens de compensation les plus adaptés dans le cadre du handicap que les médecins de l’Éducation nationale contribuent chaque jour au climat scolaire et à construction de l’école inclusive et bien traitante.
Patricia Colson
Secrétaire générale du SNAMPSEN/Sgen-CFDT