Les mutations du système de santé - Comment peut-on encore croire à une amélioration de notre situation professionnelle ? - Plutôt que subir, agissons ! - Les revendications du SNAMSPEN/Sgen-CFDT.
Les mutations du système de santé
Notre système de santé est en pleine mutation, avec un changement de paradigme : la prévention et la promotion de la santé deviennent une priorité pour tous les médecins voire pour tous les acteurs, tout comme la santé des enfants et la santé mentale.
Alors que le monde de la santé réfléchit à se réformer pour atteindre ces objectifs devenus prioritaires, la médecine scolaire est laissée pour compte, sous la seule tutelle de l’éducation nationale.
Force est de constater que la priorité de ce ministère n’est pas de réfléchir comment les médecins scolaires pourraient utilement concourir à ces nouvelles priorités nationales en exerçant pleinement leurs missions et leurs expertises !
Ce ministère peine déjà à remplir les missions dévolues aux transmissions des savoirs académiques et à faire cesser les inégalités !!! Il choisit de se priver des personnels experts en faisant porter, vaille que vaille et sans plus de formation, la politique de santé sur tous les autres personnels, voire sur des associations qui tapent de façon bien opportune à la porte de l’école pour vendre une prestation clés en main.
Pendant ce temps, les rares médecins au service de l’éducation nationale sont mobilisés pour contrôler les actes de leurs confrères généralistes ou hospitaliers (projets d’accueil individualisés : PAI) ou ont des injonctions pour des visites médicales systématiques imposées dans les lycées professionnels dont la grande majorité, en raison des cadences imposées, n’apportent rien aux jeunes et n’ont pas de raison d’être. Il faudrait même que les médecins scolaires valident des plans d’accompagnement personnalisés (PAP) pour les troubles des apprentissages à partir d’un simple compte rendu orthophonique, sans pouvoir voir ces élèves en consultation afin d’effectuer un examen sensoriel (vision, audition) et organique, préalable indispensable à une démarche diagnostique dans le cadre des troubles des apprentissages.
Comment peut-on encore croire à une amélioration de notre situation professionnelle grâce au ministère de l’Éducation nationale ?
Depuis des années, le ministère de l’Éducation nationale a choisi de ne pas promouvoir la profession des médecins de l’Éducation nationale : salaires les plus bas de la profession médicale, absence de valorisation et de lisibilité de l’expertise médicale, désorganisation et hétérogénéité de la politique de santé en faveur des élèves suivant les secteurs, des postes vacants non affichés sur la bourse d’emploi de la fonction publique…
Les départements perdent un à un leur médecin scolaire, sans aucune réaction volontariste de la part du ministère de l’Éducation nationale. Ils sont rares, les départements à avoir fait les efforts financiers pour rendre attractifs ces emplois (2 à notre connaissance)… Mais dans ces cas là les médecins sont bien présents au rendez vous !… Oui, il y a des déserts médicaux, mais chaque année de nouveaux médecins sortent des universités sur le marché de l’emploi et se tournent vers les emplois les plus attractifs… Comment prétendre à un quelconque recrutement à l’Éducation nationale face aux nombreuses offres de médecine salariée beaucoup plus attractives ?
Actuellement, plutôt que de chercher à nous recruter, le ministère de l’Éducation externalise nos missions vers la médecine générale. Celle ci à fort à faire en matière de prévention avec d’autres populations (celle des séniors, des séniors plus, de ceux qui ne sont plus dans le système scolaire et universitaire…). Ces médecins, débordés par le curatif, ayant des missions nouvelles de prévention avouent ne pas vouloir s’emparer de nos missions, non formés à celles-ci et au contexte de l’école.
Qu’est devenu notre métier ? Quelle utilisation par l’administration de notre expertise clinique au détriment des besoins de santé des élèves. Quelle utilisation de notre formation à l’Ecole des Haute Etudes de Santé Publique qui nous prédestinait à la formation des personnels de l’éducation nationale, à la méthodologie de projet en faveur de la santé des populations élèves, à la construction de l’école bienveillante, à l’expertise clinique pour faire face aux besoins des élèves pour contribuer à leur réussite et à leur épanouissement ?…
Plutôt que subir, agissons !
Toutes les instances et rapports se sont émus depuis ces 15 dernières années de la disparition des médecins scolaires, se tournant alors vers l’éducation nationale pour y faire face… Mais rien n’y fait ! Comment croire encore que c’est de ce ministère que viendra notre salut et la préservation de notre profession ?
Les politiques actuelles visent à diminuer le nombre de fonctionnaires : quelle belle occasion ! Le dernier rapport nous concernant (note d’information n° 1234 du 12.10 .2018 de l’Assemblée nationale) fait état d’une formation à l’EHESP contraignante et freinant la motivation des médecins pour devenir médecin scolaire… Il y a fort à parier que la FST (formation de spécialité transversale) de médecine scolaire, créée en 2017, dispensée en option par les facultés de médecine lors du 3ème cycle des études médicales, sera la seule formation restante. L’éducation nationale n’aura plus qu’à employer ces médecins généralistes formés à la santé scolaire, offrant enfin, il est vrai, aux médecins la possibilité d’un emploi mixte, leur permettant ainsi de conserver le droit de prescription et la spécialité médicale d’origine : tout le monde semble y gagner !
Car actuellement sans droit à la prescription médicale, sans actes cotés reconnaissant la nature de l’expertise, nous ne sommes reconnus ni par le Conseil National de l’Ordre des Médecins qui ne nous a placé dans aucune des spécialités existantes, ni par la Caisse primaire d’assurance maladie (organe clé de l’activité médicale), ni finalement par le ministère de la santé. Il semble que puisque nous sommes employés par l’éducation nationale, on ne nous reconnaît pas l’exercice de la médecine. Notre activité reste invisible et ne rapporte rien aux yeux des financeurs et des décideurs des politiques publiques !
La nouvelle stratégie nationale de santé faisant de la promotion de la santé et de la prévention un objectif prioritaire va peut-être faire évoluer les choses ?
En tout cas, s’il est permis à de jeunes confrères d’exercer la médecine générale ou pédiatrique avec une FST de médecine scolaire, on peut craindre leur utilisation par le ministère de l’éducation nationale comme prestataires de services répondant aux seules obligation administratives et la disparition du service public constitué par le corps des médecins titulaires qui assurait de façon permanente et conjointe la santé communautaire et individuelle des élèves et la construction toujours en cours de l’école bienveillante.
Le SNAMSPEN /Sgen- CFDT revendique aujourd’hui devant les risques de la disparition d’un service public pourtant reconnu :
- La fin d’une tutelle unique (qu’elle soit exercée par l’éducation nationale ou transmise aux collectivités territoriales) : elle ne donne pas aux professionnels les moyens d’exercer la médecine scolaire conformément aux enjeux et objectifs de santé qui font le cœur de notre métier ;
- La nécessaire implication du ministère de la santé, des ARS, pour gérer, piloter, financer, les ressources humaines médicales mises à disposition de l’Éducation nationale pour accomplir les missions prévues de ces personnels et contribuer pleinement aux priorités de prévention inscrites en interministériel ;
- Le maintien d’un service public de qualité en faveur de l’épanouissement des élèves et de la communauté éducative avec des agents titulaires de la fonction publique et à défaut des agents contractuels, parfaitement formés à la santé scolaire, afin de maintenir une réelle qualité de service public rendu aux élèves et à leurs familles ;
- Un statut de médecin de prévention et promotion de la santé réellement revalorisé, conformément à l’importance donnée à cet axe par la stratégie nationale de santé. Nous demandons dans ce cadre
- La reconnaissance de l’expertise et la formation particulière des médecins exerçant dans le champ de la prévention et promotion de la santé en faveur des familles, enfants et adolescents ;
- Le droit de prescrire dans le cadre des activités de prévention : le médecin qui travaille exclusivement au service de la santé des élèves doit pouvoir prescrire ;
- La reconnaissance des actes réalisés au même titre que ceux réalisés en PMI, à l’hôpital ou en cabinet ;
- La possibilité d’exercer nos missions au profit de l’élève et de sa famille, soit dans un centre médico scolaire parfaitement équipé et identifié par les usagers et l’école, soit dans d’autres structures mieux repérées et équipées (centre municipal de santé, hôpital, CMP,CMPP, MDA,…) sans que ne soit remis en question le statut du professionnel (intérêt de la tutelle interministérielle…)
- La reconnaissance d’un service de prévention unifié et articulé entre PMI et médecine scolaire au service de la famille des enfants et des adolescents pour leur épanouissement et leur intégration réussie dans le système scolaire. Les contours avec les CMP, CMPP, MDA pourraient utilement être définis. Le service pour les 0-18 ans ainsi constitué serait le bras armé de la nouvelle stratégie de santé en matière de prévention et promotion de la santé pour cette population, acteurs complémentaires de nos collègues médecins généralistes qui ont à charge toutes les autres populations.
- La redéfinition des compétences et limites de chaque professionnel quant il s’agit d’œuvrer pour la santé des enfants et des adolescents : le référentiel métier de chaque acteur intervenant au sein de l’école doit être clarifié dans ce domaine pour une organisation lisible et cohérente au sein des écoles.
- Le pilotage local de la promotion de la santé et des parcours éducatifs en santé doit être assuré avec cohérence de la maternelle au lycée avec tous les acteurs de la promotion de la santé dans et en dehors des établissements scolaires.
- Il ne peut dépendre du seul bon vouloir du chef/directeur d’établissement qui n’est maitre que de son établissement.
- Un pilotage assuré par un professionnel ayant une bonne connaissance des acteurs, de tous les milieux scolaires du bassin de vie et de leurs problématiques, formé à la méthodologie de projet et à la santé publique est indispensable pour impulser de la cohérence, et déployer utilement les étudiants en service sanitaire.
- Enfin et surtout, la défense de notre exercice professionnel afin qu’il soit exercé dans un contexte de qualité de vie au travail et de service public rendu. Il comporte :
- Les missions cliniques individuelles et communautaires en interaction avec le milieu scolaire,
- Les projets de santé publique en faveur de l’amélioration de l’accès aux soins via un état des lieux des demandes de soins non satisfaites,
- La contribution au développement de l’éducation à la santé et à la littératie en santé au sein de l’école,
- La protection avec le diagnostic des troubles des apprentissages et des comportements, le plus précocement possible, et l’accompagnement vers les soins adaptés, un droit à faire respecter pour chaque enfant,
- L’accompagnement des enfants, familles et enseignants quand il y a maladie ou handicap pour une scolarité la plus harmonieuse possible,
- La formation des personnels pour permettre de prendre en compte les différences de fonctionnement cognitif liées aux problématiques médicales personnelles,
- La recherche grâce à la possibilité d’utiliser un logiciel médical ergonomique et parfaitement adapté aux règles déontologiques de l’exercice médical, nous permettant d’exploiter les données de nos consultations dans le respect des droits des usagers.
Finalement :
– Médecins considérés par le code de la santé comme offreurs de soins : nous en demandons la reconnaissance et l’appartenance à un service comprenant une organisation formalisée par des pratiques conformes, notamment pour les collaborations avec nos collègues infirmiers, à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé.
– Nous demandons à être reconnus comme faisant partie d’une équipe de soin (puisque nous sommes des offreurs de soins au yeux du code de la santé publique). L’équipe de soin se définie (article 1110-12 du code de la santé) comme un ensemble de professionnels participant directement au profit d’un même patient à la réalisation d’un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap ou de prévention de perte d’autonomie ou aux actions nécessaires à leur coordination. Nous demandons donc : le droit à l’exercice mixte, le droit à la prescription dans le cadre de nos actes de prévention, la revalorisation de notre salaire afin qu’il soit attractif et valorisant l’expertise.
L’ensemble des missions des médecins scolaires définies par la circulaire n° 2015-118 du 10-11-2015 font de la médecine scolaire un métier riche, passionnant, au carrefour du médical, sociétal et de l’éducatif.
Le travail partenarial est au cœur des pratiques de la médecine scolaire comme il est au cœur de la nouvelle stratégie nationale de santé. Il faut néanmoins pour cela que la lisibilité des expertises de chaque acteur soit rendue visible, tant en définissant nationalement les métiers et compétences, qu’en faisant respecter localement les expertises. Il faut également et dans le même temps qu’une coordination (assurée par des professionnels formés aux techniques d’animation, à la santé publique et à la gestion des ressources humaines) puisse se décliner à tous les niveaux de décision.
Si vous êtes en accord avec nos revendications, et notre profession de foi, lors des prochaines élections professionnelles, donnez le pouvoir d’agir au SNAMSPEN/Sgen-CFDT en votant pour ses représentants pour dialoguer avec l’administration.