Médecins scolaires : quelle place et quel statut parmi les acteurs de santé publique ?

Le SNAMSPEN / Sgen -CFDT, membre de l’UCMSF a été reçu au ministère de la Santé par la la Ministre déléguée chargée des professions de santé Mme Agnès FIRMIN LE BODO le 4 octobre 2022.

L’UCMSF  a fait cette demande d’audience pour attirer l’attention de la ministre sur la promotion de la santé et la prévention et sur la création d’un statut  valorisant les médecins salariés réalisant des missions de santé de publique ( voir la lettre  de demande d’audience datée du 18.7.2022 )
La délégation était composée de Pierre Suesser, co-président du  syndicat national des  médecins de PMI (SNMPMI ), de Frédéric Villebrun , président de l’ USMCS  ( union syndicale des médecins de centre de santé ) , Patricia Colson  ( Secrétaire générale du SNAMSPEN/Sgen CFDT , et Secrétaire générale de l’UCMSF)

Les attentes et demandes de l’Union Confédérale des Médecins Salariés de France

Des constats alarmants :

Notre système de santé centré sur le curatif : part de la dépense consacrée à la prévention dans la dépense nationale de santé5,1 milliards d’euros sur 208 milliards d’euros en 2019. Le système de santé n’est pas non plus pensé pour une coordination et une coopération efficace entre ses acteurs, de la prévention et du soin, entre ville et hôpital, entre les différents modes d’exercice en santé. On constate également un accroissement des déserts médicaux et de la répartition désordonnée des médecins et professionnels de santé sur le territoire qui ne répond plus aux besoins de la population, résultat d’un système de santé de ville qui ne parvient pas à être régulé.

L’enseignement de la prévention et de la promotion de la santé et le parent pauvre des études de santé.

L’absence d’attractivité des statuts, des conditions d’exercice et de la rémunération des médecins salariés exerçant en prévention et en promotion de la santé témoigne du manque de valorisation sociale de la prévention dans notre système de santé

La demande d’un plan de promotion et de prévention de la santé :

L’UCMSF  a finalement demandé la mise en œuvre d’une politique de prévention à hauteur de celle du soin curatif ce qui signifie que ce soit élaboré un plan national de santé publique et de promotion de la santé qui se décline du national au local, afin de réduire les inégalités sociales et territoriales de santé. Cette politique de promotion de la santé et de prévention doit s’appliquer dès la naissance et tout au long de la vie sans rupture dans les parcours.

Ce plan devrait comporter :

  • L’accroissement de la part consacrée à la prévention la promotion de la santé dans la dépense nationale de santé
  • Le développement de la formation à la santé publique et la prévention dans les études de santé
  • La prise en compte des facteurs environnementaux de la santé
  • L’ intégration des acteurs de santé publique, de prévention et de promotion de la santé, dans les nouvelles organisations facilitant la coopération entre professionnels de santé, qu’il soit salarié ou libéraux, dans le sens de l’intérêt général et de la continuité des soins et non des corporations et des lobbys.
  • Un plan de développement des structures de médecine salariée (centre de santé, centre de PMI, centre de médecine scolaire…)
  • La participation des médecins de santé publique au développement de l’E-santé
  • La création d’un cadre statutaire commun aux médecins praticiens salariés non hospitaliers comparable au statut rénové  de praticiens hospitaliers en terme de rémunération, concernant les médecins exerçant des missions du domaine de la santé publique et de la promotion de la santé des soins préventifs et/ou curatif d’inspection de contrôle, de la médecine sociale, et de la protection sociale, au sein notamment des services ministériels et des aires, de PMI, de santé en faveur des élèves, des centres de santé, de santé au travail, de sécurité sociale,… ( NB : l’UCMSF a fait la proposition de ce même statut dès janvier 2018 pour le projet de loi de transformation du système de santé)
  • La revalorisation en conséquence des rémunérations des médecins salariés non hospitaliers acteurs des soins préventif ou curatif de la santé publique et de la promotion de la santé au niveau de la grille indiciaire des praticiens hospitaliers
  • Pour chaque médecin salarié none hospitalier, une organisation et un financement adéquate du développement professionnel continu entre parenthèses DPC à hauteur de ses besoins et de ses missions

Les réponses de la ministre 

Le budget et les moyens alloués à la santé tout au long de la  vie

En préambule, elle a tenu à rappeler que le ministère de la santé et de la prévention a agi pour la prévention en proposant 3 bilans de santé pour les adultes.
Elle a également précisé que le budget alloué à la prévention est bien plus conséquent que celui noté, il se ventile dans tous les domaines ,on ne peut véritablement le chiffrer.
Pour que qui est de l’enfant, elle a rappelé que les actions et les personnels relèvent de la compétence  du ministère de l’ EN.

Le SNAMSPEN/Sgen-CFDT note la réalisation impossible des missions de santé publique portées par les médecins à l’EN faute d’organisation du travail, et demande la mise en place au moins d’une gestion de la médecine scolaire interministérielle partagée avec le ministère de la  santé, pour pouvoir défendre ces missions. Ou sinon créer de vrais pôles médico psycho sociaux de santé scolaire, lisibles, pour assurer les missions de service public en faveur de la santé des élèves.

La question de l’interministérialité :

Concernant l’interministérialité, la ministre dit que  la médecine scolaire est sous la tutelle de l’éducation nationale. Il est difficile d’intervenir. Cependant, une collaboration est effectuée avec le ministre de l’éducation nationale qui est très sensible aux difficultés de la médecine scolaire. La ministre, ayant auparavant travaillé avec Marie Tamarelle-Verhaeghe,  souhaiterait pleinement que la santé scolaire sorte  de l’éducation nationale  afin de pouvoir réaliser leurs missions. Elle note que c’est un sujet épineux pour les syndicats infirmiers. Peut-être faire sortir tout d’abord les médecins de l’ EN.
En tout cas, le SNAMSPEN note la nécessité de travailler en équipe pluridisciplinaire et non de façon isolée.

Le SNAMSPEN/Sgen CFDT évoque aussi le rapport du 28.4.2022 du Haut Conseil de Santé Publique , (« Les professionnels de santé et offre de soins pour les enfants : enjeux quantitatifs et qualitatifs ») : ni la PMI, ni la médecine scolaire ont fait partie des acteurs interrogés.
Dans ce rapport, les acteurs de la santé scolaire ne sont pas reconnus comme des acteurs de la santé des enfants , faute de nombre, mais surtout faute de qualification diplômante (pourtant titulaires formés spécifiquement à l’emploi à l’ EHESP ).
Les personnels de santé  scolaire envisagés dans ce rapport sont des infirmières puéricultrices et des orthophonistes… : il faut bien faire face à la pénurie médicale et ne pas abandonner les enfants dit la ministre.

  • Le SNMPI a fait la remarque partagée par le SNAMSPEN : le médecin exerçant au sein d’une équipe pluriprofessionnelle comme en PMI, ne pourra jamais être remplacé par des paramédicaux, aussi bien formés soient-ils :  seul un médecin  pose la contre- indication médicale  d’une vaccination. Seul un médecin saura faire un diagnostic différentiel devant un tableau clinique évoquant un trouble neurodéveloppemental  … : Attention à ne pas dégrader le service rendu aux enfants par la disparition des compétences .
    Il y a des données alarmantes sur la santé de l’enfant, l’augmentation inédite depuis l’après-guerre de la  mortalité néonatale et infantile…
  • L’ USMCS fait remarquer qu’il n’est pas question de remplacer les médecins scolaires en étant employés par l’ EN, mais bien de réaliser un exercice mixte de soins préventifs et de soins curatifs . La ministre note effectivement qu’il n’y a plus de carrière linéaire , la mixité d’exercice est attractive.
  • Le SNAMSPEN/Sgen CFDT rappelle que des services comme la PMI et la médecine scolaire sont les seuls  à avoir  la possibilité  d’ « aller vers »  la population élèves ou les familles,  sans demande particulière de celles-ci.
  • Le SNMPMI insistera beaucoup sur la prime Ségur qui a bien été actée pour les personnels  santé-sociaux territoriaux  et notamment pour les médecins de PMI . Mais d’une part il s’agit d’une prime, donc versée de façon aléatoire par les départements suivant l’exécutif, et en plus elle n’a pas été convertie en Complément de Traitement Indiciaire ( CTI) pour les médecins , malgré les promesses faites par le gouvernement. Une fois de plus la médecine de PMI pâtit d’une rémunération inférieure à celle des autres médecins salariés , ce qui ne peut pas être attractif malgré les enjeux de santé publique.
  • Le SNAMSPEN/Sgen CFDT fait remarquer aussi qu’il n’y a pas de eu de prime Ségur pour les médecins de l’ EN , et si un effort de revalorisation indemnitaire est en cours, il reste très inférieur à cette prime ( 250 euros à la place de 517 euros  brut mensuel ) . Il n’y a pas non plus de transformation  pour cette indemnité prévue en complément de traitement indiciaire.  La médecine de promotion de la santé , au service de l’enfant, reste vraiment très dévalorisée !
  • Le SNMPMI et la ministre notent que  30% de la prime Ségur destinée aux professionnels de PMI est payée par l’ État. La Ministre dit qu’il incombe aux départements de payer le reste et va prendre contact avec l’association des départements de France ( ADF).Le SNMPMI dit s’être tourné vers la première ministre avec un courrier adressé; la ministre ignorait l’engageant formel du gouvernement  au sujet du CTI pour les médecins de PMI et entend que la loi de finances rectificatives pour  2022 ,  les a exclu de ce dispositif malgré les engagements du gouvernement.

Pour toutes ses raisons,  l’UCMSF  réaffirme la nécessité d’un statut commun  pour les professionnels qui exercent des missions de santé publique en faveur des populations, statut  à même de valoriser l’exercice de prévention et promotion de la santé et d’assurer un salaire attractif. On note que le HCSP a proposé à travers son rapport (  Dessiner la santé publique de demain 4.3.2022)  un même statut,  valorisant  la prévention et la promotion de la santé, pour  tous les médecins de  santé publique et  englobant les médecins de PMI et de médecine scolaire.

On entend  les difficultés  de financements  répartis entre les différents  payeurs de l’état, la complexité et les freins pour attribuer  une juste rémunération  aux professionnels de prévention et dans le cadre d’un éventuel statut commun pour les médecins de promotion de la santé et prévention.

Le SNAMSPEN/Sgen CFDT  évoque la possibilité qu’a le gouvernement  de définir un ondam de prévention primaire pour la promotion de la santé dès la naissance, et non seulement en faveur de la prévention des pathologies. Cet ondam  particulier pourrait être indexé sur les effectifs des  populations à charge avec des budgets fléchés jusqu’au « dernier kilomètre ». et répartis sur les acteurs coordonnés et suivant leur spécificité d’exercice et de missions.

Après ces échanges, la Ministre  déléguée se dit  intéressée par la proposition de ce statut commun pour les médecins de santé publique. Elle dit devoir étudier tous les tenants et aboutissants. Elle ne propose pas pour l’instant de groupe de travail sur ce sujet.

Le SNAMSPEN/Sgen CFDT analyse :

  • La complexité des financements des politiques de santé est un frein pour la reconnaissance salariale de chaque acteurs de la santé soient à hauteur du service public qu’il rend.
  • Les décisions prises par le gouvernement peinent à être appliquées au niveau des départements et des collectivités : quel serait le sort de la médecine scolaire  si elle était confiée au collectivité ?
  • Le congrès national des centres municipaux de santé du 6 et 7 octobre 2022 à Paris , où le SNASMPEN est intervenue à coté de Franck Chauvin à la dernière table ronde , a montré l’importance de construire  et coordonner l’offre de soins préventif et curatif  sur un maillage territorial au plus près des usagers . Des solutions alternatives peuvent se construire pour faire face à la pénurie médicale de l’ EN, mais les médecins sont démunis face aux troubles que rencontrent les élèves, méconnaissant le contexte scolaire. La particularité de notre métier permet d’analyser et d’agir sur l’environnement scolaire. Des municipalités comme celle de La Courneuve, ont choisi d’agir pour la santé scolaire en mobilisant ses centres municipaux de santé. Les médecins sont rémunérés par l’ EN, sans plus de compétences et de connaissances pour agir rapport à une collectivité d’élèves.

Les revendications du SNAMSPEN pour les médecins chargés de la santé des élèves :

  • Un statut partagé avec les médecins de santé publique valorisant la médecine de prévention et de promotion de la santé, reconnaissant les compétences et les missions spécifiques
  • Une activité en équipe pluridisciplinaire organisée en pôles médico-psycho-sociaux bien repérés pour leurs compétences à répondre aux problématiques des jeunes en milieu scolaire et à la promotion de la santé et prévention précoce sur les populations élèves
  • Une mobilisation à bon escient des compétences de chaque professionnel des équipes pluridisciplinaires sans perte de chance pour les enfants : poser  un diagnostic médical et orienter vers le soin, ou démédicaliser des situations lors de difficultés scolaires durables ou des troubles d’expression comportementale, relève du médecin.
  • Une forte impulsion de l’état en consacrant des budgets adaptés, afin que l’organisation et la coordination des soins préventifs et curatifs soit effectivement déclinée dans chaque bassin de vie suivant la définition d’un maillage territorial.
  • Une reconnaissance de la santé scolaire et de la PMI  en tant que piliers de la promotion de la santé et de la prévention précoce : face à la pénurie de soins curatifs , toutes les ressources et les compétences dans le respect de leur spécificité doivent être mobilisées le plus justement possible pour contribuer au parcours de soin.
  • Une possibilité finalement pour les médecins de l’ EN de choisir leurs positionnement suivant leurs  aspirations :

acteurs au service des rectorats ou inspections , répondant à des missions  définies par l’EN ( conseils, actes réglementaires en lycée, contrôles , process administratifs  …)

ou acteurs  au service de  de la promotion de la santé des élèves et de la prévention précoce, répondant à des missions définies par le ministère de la Santé . La reconnaissance et la mise en œuvre des compétences spécifiques des médecins scolaires pourront contribuer pleinement  à des  réseaux  de soins préventifs et d’orientation vers le soins, au service de l’école et des familles, grâce  un maillage territorial des services publics redessiné au plus près des usagers.