Près de 300 médecins scolaires ont assisté au webinaire intersyndical les appelant à se mobiliser pour sauver leur métier et retrouver un exercice respectant la déontologie médicale.
Les médecins scolaires n’acceptent plus leurs conditions de travail alors que leur extinction est programmée.
Le ministère de l’ EN suit cette extinction de près sans pour autant réagir. L ‘évolution de la démographie médicale des agents est connue depuis plusieurs années par le ministère . Les chiffres de la direction des ressources humaines annonçaient plus de 265 agents âgés de plus de 60 ans en 2021. L’âge de départ à la retraite médian était alors entre 63,8 et 64,6 ans ; 500 médecins avaient alors plus de 55 ans .
En 2024, on comptabilise 743 médecins titulaires alors que le concours de recrutement intéresse moins de 20 agents par an!
Des conditions de travail devenues inacceptables : la déontologie bafouée
Les conditions de travail vont à l’encontre de la déontologie médicale. Les médecins scolaires s’épuisent à couvrir des secteurs trop grands, à répondre aux injonctions d’actes qu’ils jugent non prioritaires. Pendant ce temps s’accumulent des demandes justifiées de familles ou d’écoles en attente de diagnostics médicaux. Le service rendu aux populations se dégrade alors que les besoins en santé de l’enfant et de l’adolescent, constatés à l’école, n’ont jamais été aussi grands.
Quand travail médical rime avec rendement, et que l’administration ne se préoccupe pas de savoir si les actes sont rendus de façon éthique, juste, et pour tous ceux qui en ont besoin, : il est temps de dire stop !
Surtout si l’ exercice médical n’est plus effectué dans les conditions requises par la profession!
Le mouvement intersyndical initié le 1 février 2024 invite les médecins scolaires à agir contre leur exercice médical dégradé .
Les médecins scolaires sont invités à retrouver du sens dans leurs actes professionnels et une qualité de service en direction des usagers, en appliquant les consignes intersyndicales suivantes:
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Se recentrer sur leur exercice clinique dans une démarche de diagnostic précoce et de lutte contre les inégalités sociales et de santé :
→ La priorisation des consultations suivant les demandes des familles, revient aux médecins et non à l’institution. L’inventaire des missions actuelles est tel, qu’il est impossible pour les médecins de tout faire !
→ Prenons le temps de poser les diagnostics médicaux, souvent complexes, qui impactent fortement la réussite scolaire des élèves et leur santé. Luttons contre les handicaps évitables!
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Ne rendre aucun document ou avis signé sans consultation préalable notamment PAI, PAP, aptitudes travaux réglementés, aménagements aux examens …
→ Stop aux piles de dossiers à signer ou contresigner, de plus, souvent incomplets, sans recevoir l’élève ou sa famille: nous contrevenons au code de déontologie, nous ignorons les vrais besoins des élèves, nous engageons notre responsabilité tout en contrevenant au respect des règles de la profession.
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Ne plus sillonner les départements pour assurer le travail des collègues parties: Aucune politique attractive de recrutement n’est proposée. Les partenariats indispensables nés de la bonne connaissance du secteur sont impossibles!
→ Stop au temps perdu dans la voiture, sans frais de transport remboursés, sur des secteurs inconnus. Ces secteurs immenses imposent un exercice sans possibilité réelle de partenariats institutionnels ou avec les secteurs sanitaires et associatifs.
→ Stop aux conditions d’exercice qu’aucun autre médecin accepte. Un exercice au-delà d’un secteur avec plus de 7000 élèves à charge, c’est un exercice « hors les murs ». Des services hospitaliers, des PMI ont la volonté d’aller vers les populations démunies en service public. Dans ce cadre d’exercice des consultations sont réalisées « hors les murs ». Pour cela, un véhicule est mis à disposition par les employeurs pour une équipe pluridisciplinaire. L’accompagnement en secrétariat et le lieu de consultation sont adaptés à la mission. Ce n’est pas le cas à l’ éducation nationale !
Nous appelons les médecins scolaires à exiger des conditions d’exercice conformes, au même titre que tous les médecins en charge des usagers.
C’est à dire :
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- Refuser les déplacements sans frais remboursés ou refuser les déplacements qui prennent trop de temps au détriment du temps de consultation
- Exiger des locaux conformes aux examens médicaux, à l’accueil des familles…
- Exiger les équipements en matériel médical et informatique pour pouvoir assurer les missions
- Exiger des temps de secrétariat pour réceptionner et trier les demandes, organiser les consultations, gérer les documents médicaux avant et après consultation
- Refuser de pallier aux dysfonctionnements des circuits de prise en charge.
Les revendications du SNAMSPEN/Sgen CFDT
Les médecins scolaires attendent des arbitrages rapides sur les 4 points soulevés le 23 novembre 2023 au cabinet de la première ministre et laissés sans réponse et qui sont :
- Les missions de la médecine scolaire à actualiser en lien avec le parcours santé de l’enfant ,
- L’organisation en faveur d’un service public de santé scolaire avec un maillage territorial et un pilotage efficient dans chaque département, avec des compétences redéfinies pour chaque acteur
- La revalorisation financière indiciaire et indemnitaire du métier de médecin de l’éducation nationale: métier aux compétences particulières acquises après un concours et une formation statutaire à l’ EHESP. L’absence de recrutement de médecins contractuels repose sur un salaire bien trop peu attractif et l’abandon des missions cliniques. Sans ces contractuels disparait le vivier des futurs titulaires formés à la médecine scolaire. Les compétences très particulières de la médecine scolaire disparaissent.
- La mise à disposition d’un système d’informations partagées entre professionnels de santé , efficient et respectueux des droits des usagers
Ces points sont questionnés dans le rapport des inspections générales sur la politique de santé scolaire rendu au gouvernement le 13 juillet dernier. Ils sont laissés sans réponse comme tant de rapport et d’avis concernant la médecine scolaire.
Comment agir au sein de l’école devant les besoins croissants d’interventions médico sociales des élèves sans réorganisation urgente des professionnels portant la politique de santé scolaire ?
La santé des enfants et leur réussite scolaire ne méritent -elles pas qu’on mobilise à bon escient les derniers médecins de l’éducation nationale?
En dehors de l’institution, la pénurie de médecins spécialistes justifie notre part de diagnostics médicaux à poser . C’est bien grâce aux équipes pluridisciplinaires de l’éducation nationale que nous pourrons concourir à améliorer la santé et à l’épanouissement à l’école de tous. Nous ne ferons pas face à l’explosion des besoins avec le seul recrutement des infirmières : ce n’est malheureusement pas elles qui poseront les diagnostics médicaux. Ce n’est pas le médecin traitant ( quand il existe : 30% des enfants en n’ont pas ), qui pourra faire face à toutes les demandes d’expertises pour trancher sur la nature des difficultés scolaires durables et faire les bilans habituels des médecins de l’ éducation nationale!
Pour faire face aux besoins actuels, des partenariats plus efficients, mieux organisés, plus lisibles à l’intérieur de l’école sont nécessaires en prenant en compte la valeur ajoutée des expertises de chacun. C’est à cette condition que nous pourrons collectivement assurer les missions prioritaires de santé publique qui servent la santé de chaque élève et celle de sa communauté éducative.
En attendant les réponses de notre ministère et les arbitrages politiques pour répondre aux questions posées par les syndicats de médecins scolaires, retrouvons au moins des conditions d’exercice déontologiques et une qualité du service public rendu !
Ce mouvement intersyndical a été annoncé par courrier au ministère et à tous les rectorats afin que les médecins puissent suivre ces consignes sans crainte de sanctions.